Le passage à l’électrique semble encore loin de faire l’unanimité en France. Selon un sondage réalisé par le club automobile Roole en collaboration avec l’Ifop, 94 % des automobilistes interrogés possèdent une voiture thermique et n’envisagent pas de passer à l’électrique. Alors que l’arrêt des ventes de voitures thermiques neuves est prévu d’ici 2035, ces chiffres illustrent les réticences persistantes à l’égard des véhicules électriques.
Le prix et les idées reçues : des freins majeurs
Parmi les raisons invoquées, le prix des voitures électriques est souvent cité comme un obstacle majeur. Près de 47 % des Français estiment que le coût d’acquisition reste trop élevé, malgré les aides publiques. Cette perception est renforcée par des idées reçues, comme la durée de vie supposée limitée des batteries ou leur adaptation perçue uniquement pour les trajets courts. Ainsi, 85 % des sondés pensent que les batteries sont peu durables, tandis que 80 % considèrent que les véhicules électriques ne conviennent pas pour les longs trajets.
Un décalage existe cependant entre cette perception et la réalité. “Globalement, l’image de la voiture électrique reste négative. Toutefois, il est intéressant de noter le décalage entre l’expérience vécue par les propriétaires de ces véhicules et l’image perçue”, explique Jérôme Fourquet, directeur du département opinion et stratégie d’entreprise de l’Ifop. Selon lui, ceux qui ont franchi le pas de l’électrique portent un regard plus positif sur ces voitures.
Par ailleurs, la diminution des aides à l’achat — comme la baisse du bonus écologique et la suppression de certaines primes — complique la transition. En 2024, les intentions d’achat d’électriques ont baissé de 10 points par rapport à 2022, atteignant seulement 22 % des personnes interrogées. Ces aides restent pourtant déterminantes, puisque 50 % des automobilistes interrogés indiquent qu’elles les inciteraient à envisager l’achat d’un véhicule électrique.
Une infrastructure insuffisante
Le manque d’infrastructures de recharge est un autre frein important. Les bornes de recharge à domicile restent rares, et leur installation peut être coûteuse. En outre, la disponibilité et la fiabilité des bornes publiques posent problème, en particulier dans les zones rurales. Pour 38 % des sondés, une réduction du temps de recharge serait essentielle pour adopter un véhicule électrique, tandis que 34 % demandent une amélioration des infrastructures. Actuellement, 43 % des Français se considèrent mal informés sur ces thématiques, ce qui reflète un besoin urgent de sensibilisation.
Des automobilistes qui reviennent à l’essence
Phénomène plus surprenant, certains conducteurs ayant adopté l’électrique reviennent à des voitures à essence. Les contraintes logistiques, comme les temps de recharge longs ou l’insuffisance des bornes, semblent être à l’origine de ces décisions. Christophe, cadre professionnel, témoigne : malgré la mise à disposition d’une Tesla Model Y par son entreprise, il a dû faire face à des pauses régulières pour recharger son véhicule, rendant ses trajets moins pratiques. De son côté, une restauratrice a rapporté avoir renoncé à son véhicule électrique en raison de la complexité d’utilisation des bornes et de leur disponibilité limitée.
Ces choix paradoxaux soulignent la complexité de la transition énergétique dans le secteur automobile. La hausse du prix de l’électricité et les coûts de possession viennent renforcer ces doutes, malgré les progrès technologiques réalisés.
Le lobbying et la stratégie des constructeurs
Face à ces réticences, les constructeurs automobiles européens redoublent d’efforts pour défendre leurs intérêts. La clause de revoyure prévue en 2026 pour réévaluer les objectifs écologiques de l’UE constitue un espoir pour repousser l’échéance de 2035. D’autres acteurs, notamment chinois, anticipent également les évolutions du marché en proposant des modèles hybrides compétitifs, attirant une part croissante de consommateurs européens.
Après avoir fait reculer la norme Euro 7, les constructeurs européens cherchent à influer sur l’interdiction des moteurs thermiques neufs en misant sur la clause de révision du paquet “Fit for 55”. Cette stratégie reflète un contexte de forte concurrence mondiale, avec des constructeurs chinois comme BYD et MG Motor qui gagnent rapidement des parts de marché en Europe.
Un marché en évolution mais encore à construire
Le constat est clair : malgré une volonté politique affirmée et des avancées technologiques, la route vers une mobilité 100 % électrique reste semée d’embûches. Le consommateur, en tant qu’acteur principal du marché, reste réticent face aux coûts et aux contraintes logistiques. Pour que la transition réussisse, il faudra non seulement renforcer les aides publiques, mais également développer des infrastructures de recharge fiables et accessibles, tout en informant et sensibilisant davantage le grand public.
La décennie qui vient sera cruciale pour relever ces défis et réussir à faire de l’électrique une solution de mobilité durable et acceptée par tous.
Sources :
- Roole et Ifop, sondage sur les véhicules électriques, janvier 2025
- “Ces automobilistes qui renoncent à l’électrique pour reprendre une voiture essence”, Autoplus, octobre 2024
- Propos de Jérôme Fourquet, Ifop
- Observations des constructeurs européens, Salon de Genève

